L’Autorité des chefs d’État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a confirmé son intention de lancer sa monnaie unique, l’ECO, d’ici 2027. Cette initiative historique vise à remplacer le franc CFA, une devise héritée de l’époque coloniale, et à renforcer l’intégration économique régionale ainsi que la souveraineté financière des pays membres.
Le président de la Commission de la CEDEAO, Omar Alieu Touray, a déclaré que l’introduction de l’ECO commencerait avec les pays qui remplissent déjà les critères macroéconomiques requis, tandis que les autres recevront un accompagnement technique pour les atteindre. Contrairement aux plans précédents qui exigeaient l’adhésion simultanée de tous les États membres, cette nouvelle approche progressive vise à accélérer l’entrée en vigueur de la monnaie unique, considérée comme un levier stratégique pour le commerce régional et la stabilité économique.
Bien que l’ECO restera dans un premier temps arrimée à l’euro, elle ne sera plus soumise à l’exigence de dépôt de 50 % des réserves de change auprès du Trésor français — une mesure longtemps critiquée pour son impact sur l’autonomie monétaire des pays africains. Ce changement constitue une avancée majeure vers une plus grande indépendance économique, tout en conservant un certain ancrage dans les systèmes monétaires internationaux.
Dans le même temps, une évolution parallèle se déroule au sein de l’Alliance des États du Sahel (AES) — une coalition regroupant le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Ces trois pays ont récemment lancé une nouvelle monnaie numérique adossée à l’or, appelée Sira. Ce projet, radicalement différent de l’ECO, vise à établir un système financier totalement indépendant du contrôle occidental, fondé sur les ressources naturelles locales et conçu pour renforcer la souveraineté économique régionale.
Le contraste entre l’ECO de la CEDEAO et la Sira de l’AES reflète deux visions divergentes de l’avenir monétaire de l’Afrique de l’Ouest. D’un côté, l’ECO représente une tentative de réforme en douceur dans le cadre des structures existantes. De l’autre, la Sira propose une rupture audacieuse avec les anciennes dépendances, misant sur l’innovation technologique et les richesses naturelles comme piliers d’un nouvel ordre monétaire.
Pour de nombreux observateurs, l’annonce accélérée de l’ECO par la CEDEAO est perçue comme une réponse directe à l’élan souverainiste de l’AES. Elle illustre aussi les tensions géopolitiques croissantes entre les aspirations africaines à l’autodétermination économique et les intérêts stratégiques des puissances extérieures historiquement influentes dans la région.
Au moment où l’Afrique de l’Ouest s’engage dans cette phase décisive de son évolution monétaire, les décisions prises au cours des prochaines années pourraient bien redéfinir les fondements économiques du continent pour les générations à venir.